Thursday, April 05, 2007

LA POSSESSION DE L'ORACLE



Au début des années soixante-dix, une jeune mère ne se consolait pas du décès de son garçon, emporté par une leucémie à l’âge de six ans. Elle entreprit un périple initiatique à travers la France pour trouver une personne connaissant les mystères de l’au-delà et communiquant avec les mânes des défunts. Elle arriva chez Madame Bercou, médium de Châtel-Guyon dans le Puy de Dôme.

Le physique de Madame Bercou rappelait celui de Madame Blavatsky, la fondatrice de la Société Théosophique. La médium n’était pas une mystique frêle et éthérée. Au contraire, solide et réaliste, elle vivait de sa plume et ses conférences attiraient un public éclairé de curistes de la ville thermale. Egalement connue des spiritualistes parisiens, Madame Bercou avait ses entrées dans des coteries raffinées de la capitale où se perpétuait un spiritualisme scientiste un peu vieille France. Victor Hugo avec sa passion des tables tournantes était moins apprécié que le professeur Charles Richet, Gabriel Delanne, Olivier Lodge, le colonel de Rochas, le docteur Geley... Madame Bercou fut une véritable initiatrice et une consolatrice pour la jeune femme qui s’intégra rapidement dans le milieu du spiritisme parisien. Pour Jean-Louis Bernard, le spiritisme "était une sorte de pythagorisme du pauvre, consolateur puisqu'il admettait survie et réincarnation".

Quelques temps, plus tard la jeune femme retourna à Paris où Madame Bercou donnait de nouvelles conférences. La médium et ses amis étaient confrontés à un problème qui semblait surgir du Moyen Age. De retour d’un monastère tibétain nouvellement implanté en Ecosse, une femme était possédée. L’imprudente s’était livrée à des pratiques méditatives sans préparation. Elle était méconnaissable : sa voix était terrifiante, sa violence et sa force étaient impressionnantes. Les phénomènes de possession sont fréquents au Tibet où les oracles délivrent des prophéties d’entités plus ou moins fiables. Le Dalaï-lama avant de fuir le Tibet, consulta à plusieurs reprises l’oracle. Lors d’une séance, le ministre Lukhangwa était présent et dit au pontife : « Quand les hommes désespèrent, ils consultent les dieux. Et quand les dieux désespèrent, ils disent des mensonges ! » (Dalaï-lama « Au loin la liberté ».)

Les efforts de Madame Bercou et ses amis furent longs et difficiles pour soigner l’imprudente méditante. De nos jours, la possession « diabolique » est rarissime. Par contre, des agressions psychiques sont nombreuses. Elles se manifestent sous des formes diverses : obsessions, dépendance, infestations… Elles proviennent de l’infra monde, « du bas astral » (disait Madame Bercou), c’est une sorte d’égout où baignent les basses passions humaines grouillant d’entités parasitaires.

Le monde de Madame Bercou et des véritables pythies parisiennes n’existe plus. Le channelling actuel avec ses êtres « ascensionnés » et son vernis angélique nous inspire la même méfiance que la démonologie tibétaine. Les adeptes occidentaux du rite tibétain du tcheu peuvent réfléchir sur le sens des paroles du sage tibétain Patrul Rinpoché déplorant la décadence de la religion : « Ainsi, toutes sortes de tcheu pervers dont l’apparition fut prédite, comme le «tcheu neuf fois noir », sont dues au seul fait que l’on prétend dompter dieux et démons par la violence, sans l’amour et la compassion de l’esprit d’Eveil.
Passe encore de soumettre ainsi un ou deux petits génies chétifs. Mais quand on tombe sur des dieux et des démons pernicieux vraiment nocifs, ils se retournent parfois contre notre propre vie. C’est quelque chose qu’on a déjà vu bien des fois ! »
(Patrul Rinpoché « Le chemin de la grande perfection ».)


Livres de Lydia BERCOU disponibles :
« Pour aider à comprendre la vie et la mort, 5 conférences », Editions du Basileus.
« Krishnamurti: sa vie, sa parole ; suivi de 6 conférences de l'auteur sur cet enseignement », Éd. du Basileus, 1978.
« Ma vie de conférencière », édité par l’auteur, 1980.

1 comment:

P said...

J'ai connu Madame Bercou à Châtelguyon lorsque j'étais enfant. Nous habitions à vingt mètres de distance.
J'aurais aimé dialoguer avec des personnes qui l'ont bien connue.
Merci de m'écrire à:
vomero@live.fr